AKRAME BENALLAL: LA FIDELITE

Le Chef Akrame est un homme droit dans ses pompes. Toujours en cuisine dans son restaurant étoilé de la Rue Lauriston, il vient de signer l’Atelier Vivanda pour les amoureux de bonne viande. Mais ce qui frappe chez Akrame, c’est sa générosité. En binôme parfait avec sa femme Farah, il ne cesse de mettre en avant ses amis et leurs restaurants, persuadé qu’il y a une alternative aux tables les plus célèbres . Ne lui parlez pas d’additions monstrueuses: Akrame “n’oublie pas d’où il vient” et sait où il veut aller. Rencontre.

Tu ouvres deux restaurants, mais qu’est-ce que tu fais à manger à ta femme ?

Pour un petit dîner romantique, qu’est-ce je ferais à manger à ma femme… Si tu fais encore à manger… Je fais à manger. Non, je suis menteur : je ne fais pas à manger parce que ma femme ne me laisse pas faire à manger, elle s’occupe bien de moi donc c’est elle qui me fait à manger. Je te jure que c’est vrai, j’adore manger les salades, les poulets aux olives… des plats orientaux, j’adore ça !

Tu as été tremplin de l’année, chef de l’année 2012, tu as l’étoile Michelin… pourquoi tu ne montes pas tes prix ?

PARCE QUE JE N’OUBLIE PAS D’OU JE VIENS (il se colle au dictaphone pour qu’on l’entende bien ndlr). Il faut être en cohérence par rapport à son âge. Je ne dis pas qu’un jour je n’augmenterai pas mes prix, parce que forcement après, quand tu prends de la maturité… C’est comme Picasso qui a commence à faire des dessins sur des nappes dans les restaurants, c’était n’importe quoi, il ne gagnait même pas une pièce ! Avec l’âge, on a compris qu’il avait du talent. Il faut se forger, faire adhérer les gens et après… que tu viennes parce que tu sais qu’Akrame c’est « ça, ça et ça ».

Je me suis toujours demande quel prix je mettrais si je venais manger chez moi. Il faut savoir que tous les jeudis, je mange dans mon restaurant. 35€, tu ne vaux pas plus au déjeuner, selon toi ? Non. Pourquoi ? Parce que je crois qu’aujourd’hui, il y a une vraie réflexion, je crois qu’il faut avoir une vision intelligente de ce qu’il se passe en ce moment. Tout simplement, aujourd’hui je suis plein, il y a les médias c’est vrai, mais même sans cela, avant j’étais plein aussi. Je préfère  faire un déjeuner à 35€ et fidéliser mes clients qui viendront alors plusieurs fois par semaine et par mois, plutôt que de vendre un repas à 350€ et qu’ils ne viennent qu’une fois dans leur vie. Voilà, je marche plus là-dessus, je pense qu’un restaurant ne doit pas être un lieu où l’on va en se crispant des qu’on voit l’addition arriver.

Tu as fait un passage chez El Bulli.  Pourquoi as-tu l’air de rester loin de la cuisine moleculaire aujourd’hui ?

Non, je ne suis pas resté loin, je me suis juste rendu compte que c’était sa cuisine. Il fallait que je me fraie un chemin avec ma propre identité, ma signature. Aujourd’hui j’en suis fier, car quand un client vient manger chez moi, il me dit « t’as une vraie signature , on sait que l’on est chez Akrame », et ça ça me rend fort. Tu as des cuisines supers mais… tu sais qu’il y a un « petit peu de par-là, un petit peu de par-là ». Moi, je pars du principe que je n’imite personne, j’écris ma propre histoire dans l’assiette.

Quelqu’un qui veut faire un repas d’amoureux, pour seduire, qu’est-ce qu’il doit cuisiner ? Un plat avec lequel tu es sûr de conclure à la fin ?

Un risotto en plein milieu, que tu manges à deux ! Je pense qu’il faut faire dans la plus grande simplicite, un petit risotto au gingembre.

Est-ce qu’il y a une junk food que tu te caches pour manger ?

Si je me cache ? Non, je mange McDo, je mange kebab, je mange de tout , je vais te dire… celui qui te dit que non, ce n’est pas vrai. Parfois je suis sur la route, je rentre de Tours et il est tres tard, on se prend des McDos et des sandwiches Sodebo, c’est comme ca, et heureusement qu’il y a ca ! On critique toujours ca,  on pourrait mieux manger mais… ce n’est pas dans les bourses de tout le monde. Et puis je crois que c’est par rapport à des attentes. Quand tu es sur un bord d’autoroute creve, tu n’as pas envie de t’assoir dans un restaurant, tu as envie de manger un truc vite fait… voilà.

Quelles sont tes adresses en France ?

Il n’y a pas que des Chefs à Paris : prends Tours, par exemple ; il y a Olivier Arlot qui fait partie de mes grands copains, il y a Benjamin Lechevalier qui se trouve à Rouen. Après, tu as Bruno Cirino qui est un génie, la cuisine qui se trouve à La Turbie est pour moi l’une des plus belles; Mauro Colagreco  à Menton, des tables il y en a ! Là je ne vous ai cite que des grands. A Marseille, Gigi, Georgiana, que j’adore, et qui a ouvert son atelier de cuisine récemment.

Je disais récemment à un restaurateur que cela ne veut plus rien dire aujourd’hui, finalement, 3 étoiles. L’émotion? Non, car quand tu as une attente à un moment precis, je te servirais une petite tartine avec un beurre de truffes… tu vois le tableau? Un peu de rillettes de poulet au-dessus… Bien toasté, et bien voilà, tu peux te régaler aussi bien et avec le même kif que quand tu vas manger dans un 3 etoiles. Ça se rejoint, c’est une affaire de moment. J’ai toujours eu envie d’être dans la tête des gens lorsqu’ils rentrent dans mon restaurant pour savoir ce dont ils ont envie là, maintenant. Ma clientèle est épicurienne. Elle va chez Guy Savoy, chez Vigato, elle tourne… et ça me fait plaisir! Leur attente aujourd’hui, je le crois, est de me voir évoluer; c’est ce qu’ils aiment.

Et à Paris, quels sont les Chefs que tu conseilles de suivre aujourd’hui?

David Toutain, sans aucun doute. Christopher Hache, Amandine Chaignot au Raphaël, Adeline Grattard (Yam’tcha): c’est magnifique ce qu’elle fait, je trouve cela exceptionnel! Il y a Kei que j’aime bien.

Et il y a mon grand copain Jean-Luc Poujauran que j’aime de tout mon coeur. Parce que sans pain, pas de bonne cuisine!


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